Choisir le métier de psychologue de l’enfance : motivations et enjeux

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La tentation de tracer une frontière nette entre la théorie et la pratique du métier de psychologue de l’enfance s’évapore vite, dès que l’on regarde de près la réalité du terrain. Ici, les enjeux sont multiples, les parcours ne se ressemblent jamais, et chaque intervention bouscule les certitudes.

Le psychologue en milieu ouvert :
Marina DECLEVE OLMETA exerce son métier dans un contexte particulier, celui du département des mesures éducatives. Son action s’enclenche lorsque des parents rencontrent des difficultés dans leurs responsabilités éducatives, ou quand les conditions de vie font peser sur l’enfant une menace, réelle ou potentielle. À ce moment-là, le tribunal pour mineurs peut ordonner une mesure d’accompagnement éducatif en milieu ouvert : l’enfant reste dans sa famille, mais il bénéficie d’un suivi renforcé, pensé pour le protéger tout en évitant l’arrachement à son foyer.

Ce dispositif repose sur un accompagnement individualisé, associant plusieurs disciplines, auprès de l’enfant et de sa famille. L’évaluation se déroule à domicile, mais peut aussi s’étendre à tous les lieux où cela s’avère utile. Le psychologue clinicien, dans ce cadre, propose un soutien psychologique sans contrainte, basé sur l’adhésion volontaire des familles. Ce choix d’intervenir sans restriction administrative souligne l’importance d’une relation de confiance, condition indispensable à l’efficacité du suivi.

Au sein de l’équipe, le psychologue joue un rôle moteur, en participant à l’élaboration du projet personnalisé de chaque enfant et en s’appuyant sur les ressources familiales existantes. Il intervient également dans la réflexion collective, en apportant sa lecture transversale des situations rencontrées, que ce soit pour l’enfant, pour la famille ou pour le service dans son ensemble.

L’accompagnement va au-delà du suivi direct : il s’agit aussi de tisser des liens avec les réseaux spécialisés, afin de proposer, si besoin, une prise en charge adaptée, respectueuse de la déontologie. Les missions ne manquent pas : le psychologue contribue au travail institutionnel, anime des groupes de réflexion, donne un avis clinique sur des situations complexes, participe à des réunions autour des projets éducatifs et offre un appui technique à l’équipe éducative.

Concrètement, le psychologue intervient aussi lors d’expertises psychologiques ou psychiatriques demandées par le magistrat, et aide les parents à comprendre et s’approprier ces démarches, quand ils le souhaitent.

Quelques chiffres donnent la mesure de cette activité : en 2017, le service a accompagné 239 personnes, réparties ainsi :

  • 123 enfants
  • 106 parents (35 pères, 71 mères)
  • 10 tiers de confiance

Face à des besoins jusque-là non couverts, le service a lancé, la même année, de nouvelles actions, notamment des médiations parentales ordonnées par le tribunal pour mineurs, et des médiations familiales pour rétablir ou préserver la communication entre l’enfant et ses parents. Ce travail de médiation, déterminant pour éviter les ruptures, a concerné 20 familles, avec un suivi régulier et un réel effort d’analyse psychoéducative.

Le psychologue de l’établissement :
Quand le danger est avéré, la justice peut confier un enfant à une structure, comme le foyer d’enfants (M.E.C.S) « The BELLA VISTA » pour les 3-18 ans, ou une crèche spécialisée pour les plus petits. Dans ces lieux, le psychologue a un rôle tout aussi central, mais il s’exerce différemment.

Audrey ULYSSE intervient auprès des tout-petits, à la pouponnière de l’UMCS, ainsi que dans le groupe des 3-12 ans du M.E.C.S « The BELLA VISTA ». Marine CRISTIANI, elle, accompagne le groupe des adolescents garçons. Leur mission s’inscrit pleinement dans les objectifs fixés pour chaque unité d’accueil.

Ces psychologues doivent composer avec des situations souvent complexes, où se croisent difficultés de médiation, contextes familiaux fragiles et histoires de vie marquées par des ruptures. Leur expertise consiste à ajuster les outils, poser un diagnostic sur la nature des problèmes, mais aussi ouvrir de nouvelles perspectives, en proposant des orientations ou des pistes de travail à long terme.

Leur réflexion irrigue le quotidien de l’équipe, favorisant un questionnement constant sur l’accompagnement des jeunes. Elles participent à la conception et au suivi des projets individualisés, en veillant à ce qu’ils restent cohérents avec l’évolution des enfants accueillis.

La collaboration avec les partenaires extérieurs, mais aussi avec tous ceux qui, dans la structure, gravitent autour de l’enfant, s’inscrit dans la durée. À chaque étape, il s’agit de définir des objectifs adaptés, de choisir les mesures à mettre en œuvre, tout en gardant à l’esprit le contexte singulier de chaque jeune. Le psychologue enrichit ainsi le projet de vie de l’enfant, en tenant compte de la dynamique familiale et des spécificités de la parentalité.

Leur intervention se distingue selon l’âge des enfants. Avec les plus jeunes, l’observation du développement prime. Pour les adolescents, le travail clinique ne se limite pas à l’écoute : il s’agit de mettre en lumière la construction de leur identité, de donner du sens à leur histoire, de décrypter les signes, les mots et les comportements qui témoignent de leur parcours. Les besoins de ces jeunes tiennent souvent à une demande de bienveillance, d’attention, d’un adulte capable de « prendre soin ». Le psychologue s’attache à entendre ce qui se joue dans les symptômes, les paroles, les actes, comme autant de jalons vers l’affirmation de soi.

Les motifs d’arrivée au M.E.C.S varient, mais tous ont des conséquences psychosociales. À l’adolescence, période de bouleversements intenses, la fragilité s’accentue. Les jeunes cherchent à se définir, à affirmer leur singularité. Dans ce contexte, le psychologue, à la fois créateur d’espaces de réflexion et soutien du développement psychique, propose un accompagnement régulier : entretiens individuels, ateliers de médiation, espaces collectifs favorisant la parole et l’expression des ressentis, tout est mis en œuvre pour que chacun puisse avancer et mettre des mots sur ses difficultés.

Le rôle du psychologue dans l’établissement oscille entre le suivi individualisé et la participation au fonctionnement institutionnel. Il veille à préserver le lien entre l’enfant, son entourage affectif (famille, tuteurs) et la structure d’accueil, tout en garantissant la cohérence du cadre thérapeutique.

Dans cette organisation, le psychologue occupe une place à part. Intégré à l’équipe pluridisciplinaire, il reste pourtant le seul représentant de son domaine, avec une expertise et une pratique qui lui sont propres. Cette singularité lui permet de prendre parfois le recul nécessaire, d’apporter un regard neuf, de susciter le débat et de nourrir la réflexion. Il devient alors un véritable catalyseur, capable de faire émerger de nouvelles pistes, toujours dans l’intérêt du jeune accueilli.

Finalement, choisir ce métier, c’est accepter de naviguer en permanence entre engagement humain, analyse fine et nécessité de s’adapter à chaque histoire singulière. Au cœur du quotidien, le psychologue de l’enfance trace des chemins discrets, mais décisifs, pour que chaque jeune puisse trouver sa place et réinventer son avenir.